Tritium: évaluations des experts concernant le rejet d’eau au Japon

L’eau traitée et fortement diluée issue de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi sera rejetée dans la mer à partir de l’été 2023. Nous nous penchons sur les examens réalisés par les experts concernant la sécurité de l’opération malgré encore la présence de tritium dans l’eau.

6 juil. 2023
le groupe de travail de l’AIEA à Fukushima
Fin mai 2023, le groupe de travail de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a évalué les travaux préparatoires en vue du rejet dans l’océan Pacifique de l’eau traitée et diluée, entreposée à la centrale nucléaire de Fukushima.
Source: Tepco

Suite à l’accident de réacteur de Fukushima-Daiichi survenu en 2011 et consécutif à un séisme et à un tsunami, des quantités importantes d’eau ont dû être stockées dans des conteneurs. En avril 2021, le gouvernement japonais a décidé de rejeter l’eau traitée et fortement diluée présente à Fukushima dans l’océan Pacifique au cours des 30 prochaines années. L’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) examine dans le détail les aspects de l’opération en lien avec la sécurité. Tandis que la plupart des radionucléides tels que le césium et le strontium ont pu être retirés de l’eau au moyen d’une installation de retrait des radionucléides (Advanced Liquid Processing System, ALPS), cela n’est pas encore possible à l'échelle industrielle avec le tritium, un très faible émetteur bêta.

De nombreux experts jugent inoffensif le rejet de l’eau dans l’océan, et négligeable le risque radiologique qu’il représente. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime à 10'000 becquerels par litre la v valeur indicative de tritium présent dans l’eau potable. Avant son rejet, l’eau présente à Fukushima sera diluée jusqu’à atteindre un septième de cette valeur, et présentera ainsi une concentration en tritium inférieure à 1500 becquerels par litre. Toutefois, les pêcheurs, des organisations environnementales et quelques États côtiers du Pacifique ont émis des réserves concernant l’opération.

D’après l’AIEA: un impact négligeable sur la population et l’environnement
L’AIEA a suivi les travaux qui visent le rejet de l’eau de Fukushima dans la mer grâce à un groupe de travail interne, et a publié un rapport complet à ce sujet. «Sur la base de l’évaluation exhaustive qu’elle a menée, l’AIEA a conclu que la démarche et les activités de rejet de l’eau traitée par l’ALPS adoptées par le Japon satisfont aux normes de sûreté internationales pertinentes», a déclaré le Directeur général de l’AIEA, Rafael Mariano Grossi, dans l’avant-propos du rapport. «En outre, l’AIEA note que les rejets contrôlés et progressifs de l’eau traitée dans la mer [...] auraient un impact radiologique négligeable sur la population et l’environnement», a-t-il ajouté avant d’assurer dans une vidéo que l’AIEA continuera à attester la sûreté de l’eau. Le Japon commencera le déversement de l’eau dans l’océan dès cet été.

D'autres avis d’experts
La présence de tritium dans l’eau ayant suscité des discussions controversées, nous avons consulté d'autres avis d’experts.

Ainsi, l’ancien directeur de l’ETH et physicien-chef de l’Armée suisse, Walter Rüegg, a affirmé dans une lettre de lecteur parue dans la NZZ le 6 mai 2021 ainsi qu’auprès du Forum nucléaire suisse: «Je pourrais me baigner sans problème dans l’eau de Fukushima, et même la boire. Des quantités importantes de tritium apparaissent en permanence de manière naturelle lors de la collision de rayons cosmiques avec les atomes présents dans l’air. Il y a 300 fois plus de tritium dans le Pacifique que dans l’eau stockée à Fukushima. Cette quantité est toutefois minime comparée à la quantité des autres isotopes radioactifs (principalement le carbone 14, le potassium 40 et l'uranium). Ainsi, 1 km3 d’eau de mer contient plus de 3 tonnes d’uranium naturel. Au total, la radioactivité naturelle présente dans le Pacifique est plusieurs millions de fois supérieure à celle du tritium mesuré à Fukushima.»

Le professeur Jim Smith, scientifique à l’Université britannique de Portsmouth, a précisé dans un article en date de début 2023 que des expériences avaient déjà été acquises dans le domaine du rejet dans la mer d’eau contenant du tritium, par exemple avec l’installation de retraitement de La Hague (France): «Des taux de rejets au Cap de la Hague nettement supérieurs à ceux calculés à Fukushima n'ont montré aucun signe d'impact significatif sur l'environnement, et les doses reçues par les personnes sont faibles» a expliqué M. Smith. Si le rejet est effectué correctement, il n'y aura pas d'accumulation de tritium dans les organismes, mais pour cela, il faut s'assurer que le tritium lié aux matières organiques qui pourrait s’accumuler ne sera pas rejeté dans de grandes quantités. Dans un article paru plus tard, M. Smith a précisé que le risque pour les pays se trouvant sur l’océan Pacifique était probablement négligeable: «J’hésite toujours à dire qu'un risque est nul, mais là, il sera proche de nul.» Le scientifique estime par ailleurs que le stockage de l’eau dans des conteneurs présente un risque plus élevé.

Le ministère japonais de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie (Meti), Reuters Plus et l’AIEA mettent à disposition des informations complémentaires. Et un commentaire de Spektrum.de ainsi que des informations publiées par la Gesellschaft für Anlagen- und Reaktorsicherheit (GRS) en date de 2022 et 2023 fournissent des renseignements intéressants.

Source

B.G./C.B. d’après un communiqué de presse de l’AIEA du 4 juillet 2023, et d’autres sources précisées dans le texte

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