Le nucléaire en Slovaquie: une recette qui marche?
La Slovaquie veut aller de l’avant dans la planification de nouvelles centrales nucléaires, mais doit faire face à des défis. Juraj Klepac, secrétaire général de la Slovak Nuclear Society (SNUS), a mené un entretien avec NucNet, l’agence de presse internationale du nucléaire. Il explique que les partenaires adéquats sont recherchés pour les projets de construction, tout comme aussi de jeunes spécialistes du nucléaire.
NucNet: Quels sont les thèmes centraux et les défis à relever pour poursuivre l’utilisation du nucléaire en Slovaquie?
Juraj Klepac: L’achèvement des tranches Mochovce 3 et 4. La construction de ces deux réacteurs de conception russe, démarrée en 1985, a été suspendue au début des années 1990 par manque de fonds. L’Italien Enel S.p.a. est depuis 2006 l’actionnaire majoritaire de Slovenske Elektrame a.s. (SE), qui détient et exploite la centrale de Mochovce. Enel a initié en 2009 l’achèvement des deux tranches. Selon le programme original, Mochovce 3 devait entrer en service fin 2012, suivie par Mochovce 4 fin 2013. Des retards sont maintenant intervenus. Ces retards entraînent une augmentation des coûts de construction et les revenus attendus n’interviendront que plus tard. Dans un projet de cette taille, des problèmes peuvent survenir, en particulier lorsque la construction a été interrompue pendant plus de deux décennies et que la continuité est perdue. Suite à l’accident de réacteur de Fukushima-Daiichi, nous avons dû mener des tests de résistance et intégrer les résultats et recommandations dans la conception des installations, ce qui a retardé plus encore la construction.
Un autre thème qui ne concerne pas seulement la Slovaquie, mais aussi de nombreux autres pays, est la menace d’une pénurie de personnel spécialisé. Nous sommes confrontés à un changement de génération. De nombreux spécialistes du nucléaire partent à la retraite. Le remplacement de ces spécialistes posera un réel problème. Bien que les universités slovaques et européennes proposent des études d’ingénieur, les jeunes montrent peu d’intérêt pour les carrières dans des domaines techniques, et les professionnels au bénéfice d’un diplôme technique sont souvent embauchés dans d’autres secteurs, par exemple dans des instituts financiers. Les centres de formation technique ont d’ores et déjà lancé des campagnes pour attirer plus d’étudiants vers les orientations professionnelles correspondantes. Je pense cependant que les électriciens doivent repenser leur politique de recrutement, de manière à se rendre eux-mêmes plus attractifs pour les jeunes.
Pensez-vous que les négociations entre Enel, en tant qu’investisseur principal, et le gouvernement slovaque, en tant qu’actionnaire minoritaire, aboutiront? Les mesures nécessaires à l’achèvement de Mochovce 3 et 4 seront-elles prises?
Je le pense. Le contraire renforcerait l’incertitude, ce qui ne servirait aucun des deux partenaires. La meilleure solution pour les deux parties est d’achever le projet de construction le plus rapidement possible.
Croyez-vous que les autres projets de construction, par exemple sur le site de Jaslovske Bohunice, vont continuer à progresser?
Le gouvernement a apparemment l’intention de poursuivre la construction d’une cinquième tranche sur le site de Bohunice. La question est de savoir sur qui se portera le choix du partenaire pour le projet. L’électricien étatique tchèque Skupina CEZ a.s. participe à hauteur de 49% dans la coentreprise Jess (Jadrova energeticka spolocnosť slovenska a.s.), qui souhaite construire un cinquième réacteur sur le site de Bohunice et a récemment laisser entendre vouloir rassembler l’ensemble des ressources pour une nouvelle tranche nucléaire sur le site de Temelin, en République tchèque.
Quels sont les derniers développements en ce qui concerne la nouvelle tranche nucléaire sur le site de Bohunice?
Le gouvernement slovaque a souligné qu’il est engagé sur la voie du nucléaire et souhaite construire une ou deux nouvelles unités, en sus de l’achèvement des tranches de Mochovce. Cela augmenterait la fiabilité de l’approvisionnement et améliorerait notre compétitivité sur le marché de l’électricité, sans compter le grand nombre d’emplois qui seraient créés. La nouvelle unité ou les nouvelles unités seront construites sur le site de Bohunice, où se trouvent déjà quatre installations. Bohunice 1 et 2 ont respectivement été mises à l’arrêt définitif en 2006 et 2008, tandis que Bohunice 3 et 4, deux réacteurs à eau sous pression du type russe WWER-440/V213 (472 MW chacun), sont encore exploités. Aucun type de réacteur spécifique n’a encore été choisi pour les nouvelles installations. Les candidats potentiels sont les types Atmea-1, EPR-1700, MIR-1200, APR-1400, APWR-1700 et AP1000.
Quelle place le nucléaire occupe-t-il dans le mix énergétique de la Slovaquie?
Les centrales nucléaires contribuent pour 50% à la production autochtone d’électricité. Le nucléaire est par conséquent très important. La Slovaquie n’a que des gisements insignifiants de gaz et de pétrole, et le potentiel d’énergie hydraulique est presque entièrement épuisé. Nous dépendons du nucléaire pour notre sécurité d’approvisionnement et au moins un peu d’indépendance vis à vis des importations de gaz et de pétrole.
Quel rôle la Slovak Nuclear Society (SNUS) joue-t-elle pour garantir que les normes de sûreté sont tenues dans le nucléaire?
La SNUS est une société destinée à des personnes qui touchent à différents aspects de l’utilisation du nucléaire, y compris la technologie nucléaire, la médecine nucléaire et les applications des rayonnements ionisants. Le but de l’association est la coordination et le soutien d’activités dans les domaines scientifiques, techniques et professionnels ainsi que la formation et la communication. Nous soumettons des prises de position au gouvernement, à des organismes proches du gouvernement et d’autres organisations avec pour objectif de faire connaître au public les avantages et les risques de l’utilisation du nucléaire. Bien que nous ne soyons pas directement liés à l’élaboration de normes de sûreté, nombre de nos membres le sont dans le cadre de leurs obligations professionnelles. Notre organisation s’investit dans ce processus en mettant son expertise à disposition, en publiant documents et prises de position, en organisant des séminaires et en commentant des documents en cours d’élaboration.
Comment la discussion sur les normes et les directives de sûreté pour les nouvelles centrales nucléaires a-t-elle influencé l’opinion publique?
Du point de vue historique, l’opinion publique est pro-nucléaire. Des directives de sûreté supplémentaires pour les nouvelles centrales nucléaires peuvent encore renforcer cette position. Un opposant au nucléaire utilisera l’accident de réacteur de Fukushima-Daiichi comme argument et ne prêtera aucune attention au durcissement des normes de sûreté. Heureusement, seule une minorité soutient cette opinion. Elle permet toutefois aux partisans du nucléaire de rester vigilants en ce qui concerne la sûreté de nos centrales.
L’Union européenne offre-t-elle à ses pays membres un climat d’investissement adéquat pour le nucléaire?
La stabilité des investissements nationaux et l’environnement politique sont décisifs. Si la stabilité au niveau national ne peut être garantie, le climat d’investissement à l’échelle de l’UE n’a alors que peu d’importance.
Source
D.S./T.M. d'après NucNet du 29 juillet 2013
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