Grande-Bretagne: le nucléaire compte parmi les «clean energies» les moins chères
D’aucuns prétendent que l’électricité nucléaire est devenue plus chère que le courant d’origine éolienne. Ils en veulent pour preuve la réglementation britannique relative au prix du courant qui sera produit par la centrale nucléaire en projet de Hinkley Point C. Un examen attentif des «Contracts for Difference» montre cependant qu’en Grande-Bretagne, le nucléaire devrait à l’avenir figurer parmi les sources d’énergie respectueuses de l’environnement les moins chères.
Au cours des prochaines années, la Grande-Bretagne va devoir renouveler entièrement son parc de centrales électriques. Le gouvernement britannique s’attend à des coûts d’investissement de l’ordre de 110 milliards de livres sterling (CHF 165 mia.) rien qu’à l’horizon 2020. Avec la réforme du marché de l’électricité amorcée, il entend amener davantage de diversité dans son futur parc de centrales électriques et réduire les émissions de CO2 induites par son mix d’électricité, conformément aux objectifs de l’UE. L’idée est de mener à bien cette entreprise tout en maintenant à un niveau aussi bas que possible les coûts supportés par le consommateur.
Les «contrats d’écart compensatoire» (Contracts for Difference, CfD) constituent l’élément central de cette réforme du marché de l’électricité. Il s’agit d’un mécanisme de fixation du prix de l’électricité produite par les «clean energies», parmi lesquelles la Grande-Bretagne compte le nucléaire. Le but fondamental de ces «contrats pour différence» est de compenser les fluctuations de prix sur le marché de l’électricité. Pour simplifier, lorsque le prix de gros de l’électricité se situe au-dessous d’un prix d’exercice (strike price) donné, la différence est payée par le consommateur. A contrario, si le prix du marché dépasse le prix d’exercice, les producteurs ne sont pas autorisés à augmenter leurs prix. Le prix d’exercice est adapté à l’inflation s’il y a lieu.
Objectif: la sécurité d’investissement
Le mécanisme des CfD vise à encourager les investissements dans des technologies de production d’électricité pauvres en CO2 telles que le nucléaire, l’hydraulique, l’éolien ou le photovoltaïque, tout en limitant les bénéfices des producteurs, c’est-à-dire en équilibrant les intérêts des producteurs et des consommateurs. Dans le marché de l’électricité libéralisé que connaît la Grande-Bretagne, personne n’investirait dans des technologies pauvres en CO2 sans ce mécanisme, car le courant produit à l’aide de gaz naturel est meilleur marché – du moins pour le moment.
Ce mécanisme permet de réduire les risques – et par là les charges d’intérêts – liés aux investissements dans les technologies propres, ce qui en dernière analyse a pour effet de réduire la facture du consommateur. Le gouvernement britannique estime que le système appliqué jusqu’ici – quotas croissants d’énergies renouvelables imposés aux fournisseurs d’électricité et taxes sur le CO2 – ne se prête pas à la réalisation des objectifs visés.
Accord concernant Hinkley Point C
Après de longues négociations, le gouvernement est parvenu en octobre 2013 à un accord sur le prix d’exercice applicable à la centrale de Hinkley Point C que le groupe français EDF projette de construire sur la côte ouest de l’Angleterre, dans le comté du Somerset. Aux termes de cet accord, le courant produit par les deux EPR du groupe Areva en projet (d’une puissance électrique de 1600 MW chacun) sera commercialisé sur la base d’un prix d’exercice de 92,50 livres sterling par MWh pendant 35 ans. Ce prix englobe les coûts de gestion des déchets radioactifs et de démantèlement de la centrale à la fin de sa durée de vie technique.
L’accord prévoit par ailleurs que si EDF décidait de construire deux autres EPR sur le site de Sizewell C (côte est de l’Angleterre), le prix d’exercice applicable pour Hinkley Point C serait abaissé à 89,50 livres sterling. Ainsi, les économies de coûts réalisées lors de la construction de Sizewell C grâce à l’expérience acquise avec Hinkley Point C seraient répercutées sur cette dernière.
Stabilisation des prix de l’électricité de demain
Le prix d’exercice entrera en vigueur dès que Hinkley Point C commencera à produire de l’électricité, vraisemblablement en 2023. Par conséquent, le prix fixé ne s’appliquera qu’au marché de l’électricité de demain. L’accord conclu entre EDF et le gouvernement britannique promet des prix stables dont on peut supposer qu’ils seront relativement bas. En effet, si le prix de gros de l’électricité passe au-dessus du prix d’exercice dans les décennies à venir, le prix payé par le consommateur pour le courant de Hinkley Point C n’augmentera pas. De plus, EDF s’est engagée à réduire le prix d’exercice si elle réalise des économies de coûts lors de la construction de Hinkley Point C.
Aussi pour les énergies renouvelables
L’électricité issue d’énergies renouvelables fait aussi l’objet de prix d’exercice. Le tableau ci-dessus donne une vue d’ensemble des prix d’exercice fixés à la fin 2013 pour la période allant jusqu’à la fin de la décennie. A titre de comparaison, les prix de gros de l’électricité en Grande-Bretagne se situent actuellement dans une plage allant de 50 à 60 livres sterling par MWh. Mais ils subissent d’importantes fluctuations, atteignant par exemple 90 livres sterling par MWh en 2008.
Dans les décisions qu’il a adoptées en décembre 2013, le gouvernement a augmenté le prix d’exercice pour l’éolien offshore et l’a abaissé pour les parcs éoliens terrestres et les grandes installations photovoltaïques. En Grande-Bretagne, la construction d’éoliennes sur la terre ferme suscite une forte résistance politique.
Baisses de prix attendues pour le courant d’origine nucléaire
Les chiffres du tableau montrent que le projet de Hinkley Point C s’est vu attribuer l’un des prix d’exercice les plus bas du point de vue actuel. En outre, le prix de base du courant issu des nouvelles centrales nucléaires peut encore diminuer si – comme prévu – d’autres centrales sont construites en Grande-Bretagne, en plus des quatre EPR en projet (le prix d’exercice sera renégocié pour chaque nouvelle centrale). A l’heure actuelle, seul le prix de base du courant issu de l’incinération des ordures, du gaz d’épuration et du gaz de décharge est plus bas. Quant au prix d’exercice des parcs éoliens terrestres, qui se situe lui aussi à un bas niveau, il est trompeur dans la mesure où il ne comprend pas des coûts systémiques tels que les extensions du réseau d’électricité, les installations de stockage et les centrales de réserve que requièrent les nouvelles énergies renouvelables en raison de leur caractère fluctuant et décentralisé.
La Commission européenne examine actuellement la compatibilité de deux dossiers avec les règles communautaires en matière de concurrence: la promotion de l’éolien et l’accord sur Hinkley Point C.
Source
M.S./D.B. d’après diverses sources