Des pays du Golfe à la Namibie: Les nouvelles ambitions nucléaires
Au moment de son réveil dans les pays industriels, l’atome fait d’autres envieux. Coup sur coup, l’Egypte, l’Algérie, le Maroc, des Etats du Golfe, et même la Namibie, annoncent leur intention de se lancer dans le nucléaire civil.
Confrontés au défi du développement, certains gouvernements ont parfaitement identifié les avantages de l'atome pour assurer un approvisionnement performant et stable en électricité. Mais s'ils veulent se donner une chance d'accéder au nucléaire civil, ces pays doivent se rendre insoupçonnables en termes de prolifération.
L'exemple de l'Iran est là pour rappeler que toute ambition dans ce domaine passe par un préavis favorable des Etats-Unis et par l'intégration d'un éventuel programme de développement dans le cadre strict et balisé de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AEIA). L'Egypte et l'Algérie, entre autres, ont engagé des discussions bilatérales avec Washington. Avec des résultats positifs: «Nous sommes sur le point de signer un accord de coopération dans le domaine du nucléaire civil», vient de confirmer l'ambassadeur des Etats-Unis à Alger, Robert S. Ford, au quotidien La Tribune.
Trois pôles africains
L'Algérie dispose de deux réacteurs nucléaires expérimentaux en activité depuis 1995. Ils sont placés sous le contrôle de l'AIEA, qui les inspecte régulièrement. Alger ne cesse d'affirmer sa volonté d'instaurer une totale transparence autour de son programme de recherche nucléaire, en privilégiant une coopération multilatérale. Au mois de janvier dernier, la ville accueillait une conférence régionale africaine sur l'atome, organisée à l'enseigne de «La science et la technologie au service du développement». A cette occasion, le président Abdelaziz Bouteflika a plaidé pour l'accès des pays africains aux technologies nucléaires civiles.
De fait, trois pôles de développement pourraient se constituer en Afrique: l'Algérie au nord, au sud la République sud-africaine - pays le plus avancé grâce à son programme de réacteurs à haute température - et l'Egypte à l'est. «Nous encourageons ce pays à aller de l'avant dans son programme nucléaire civil», vient de confirmer Robert Joseph, secrétaire adjoint du département d'Etat américain pour le contrôle des armements et la sécurité internationale, dans un communiqué à l'issue d'une rencontre avec le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit.
Nous devons penser à l'avenir…
Cette rencontre faisait suite à l'annonce par le président Hosni Moubarak, en septembre 2006, que son pays poursuivrait ses recherches en matière de nucléaire civil. «Nous avons le droit d'utiliser cette ressource à des fins pacifiques pour satisfaire la demande croissante en énergie», déclarait de son côté Ahmed Zewali, prix Nobel de chimie 1999, cité jeudi par l'agence de presse Mena.
Cette ambition égyptienne désormais clairement affirmée a fait tache d'huile plus à l'est: «Les pays arabes du golfe Persique prévoient d'engager en 2009 leur propre programme nucléaire», vient de déclarer le ministre de l'Energie et de l'Industrie du Qatar, Abdullah ben Hamad Al Attiyah. «Tôt ou tard, le pétrole et le gaz vont s'épuiser et nous devons penser à l'avenir», a-t-il ajouté. Une fois approuvé par les gouvernements concernés, ce projet de développement commun sera conduit dans le cadre du Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui regroupe l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, le Koweït, le Qatar, Bahreïn et le Sultanat d'Oman. Quelle que soit l'orientation donnée aux futures recherches, elle n'inclura pas l'enrichissement de l'uranium. C'est ce qu'a tenu à rappeler le secrétaire général du CCG, Abdullah Al Attiyah, soucieux de se démarquer d'emblée du modèle iranien.
Site marocain
Le 19 mars dernier, quatre experts de la compagnie étatique russe Atomstroiexport arrivaient au Maroc pour rencontrer des représentants de l'Office national de l'énergie (ONE). Au cœur des discussions figurait, selon le quotidien espagnol El Pais, le projet de construction de la première centrale électrique nucléaire marocaine à Sidi Boulbra. Auparavant, le ministre chérifien de l'Energie, Mohamed Boutaleb, avait confirmé les ambitions atomiques de son pays, en précisant qu'il n'entendait pas se cantonner à la seule énergie: «Nous encourageons le recours aux technologies nucléaires dans des secteurs vitaux, comme la médecine, l'agriculture, l'hydrologie et la recherche scientifique».
Atomstroiexport est le maître d'œuvre russe des accords intergouvernementaux sur la construction d'ouvrages nucléaires à l'étranger. Cette société supervise sept réacteurs en cours de construction en Chine, en Inde, en Iran et en Bulgarie. Elle poursuit des négociations avec d'autres pays, tels le Kazakhstan et la Turquie. Le site d'implantation étant identifié, une première centrale marocaine pourrait entrer en service vers 2016.
«Puisque nous avons le combustible, pourquoi ne pas en profiter pour exploiter nos propres centrales?» Une question que se posent également les dirigeants de la Namibie, qui vient d'inaugurer la deuxième mine d'uranium sur son territoire. «Nous allons explorer la possibilité d'utiliser une partie de ce combustible pour générer de l'électricité», confirmait le président Hifikepunye Pohamba. La Namibie contribue à hauteur de 7% à la production mondiale d'uranium. La mise en service de cette seconde mine lui permettra de porter sa participation à 10% d'ici la fin de 2007.
Effet multiplicateur
A peine cette ambition nucléaire était-elle annoncée que la Russie manifestait son intérêt pour le projet namibien. Les sociétés technologiques et énergétiques Techsnabexport (Tenex) et Renova, appuyées par la banque commerciale Vneshtorgbank, se déclaraient prêtes à construire la première centrale nucléaire dans la république de l'Afrique australe.
Cet intérêt de pays en développement pour l'énergie nucléaire ne devrait pas s'arrêter là. Ainsi, coup sur coup, la Libye et la Jordanie annonçaient leur intention d'exploiter dans un futur proche leurs propres centrales électriques. Elles ont engagé l'une et l'autre des négociations avec les Etats-Unis sur ce dossier. D'autres Etats devraient bientôt préciser leurs intentions nucléaires, par exemple en Amérique du Sud et dans les anciennes républiques soviétiques de l'Asie.
De son côté, l'AIEA s'est dite prête à soutenir ces ambitions, tout en attirant l'attention des uns et des autres sur les conditions d'un tel développement: «Les centrales nucléaires demandent des conditions cadres technologiques et juridiques complexes, des ressources financières importantes et du personnel qualifié», avait rappelé Mohamed ElBaradei, directeur général de l'agence, le 9 janvier dernier lors de la conférence d'Alger.
Source
J.B.