Contribution actuelle et future de la Belgique à l’approvisionnement mondial en radio-isotopes

Le réacteur de recherche belge BR2 est un pilier important de l’approvisionnement mondial en radio-isotopes, indispensables en médecine nucléaire. Dans une interview avec le Forum nucléaire suisse, le professeur Eric van Walle, directeur général du Centre d’étude de l’énergie nucléaire SCK•CEN, se penche sur les défis liés à l’exploitation du BR2 et sur la contribution de la Belgique à l’approvisionnement mondial en isotopes radioactifs sur le long terme.

25 juin 2013
Le SCK•CEN projette de construire à partir de 2015 le réacteur de recherche piloté par accélérateur Myrrha (Multipurpose Hybrid Research Reactor for High-technology Applications) sur le site du centre de recherche de Mol.
Le SCK•CEN projette de construire à partir de 2015 le réacteur de recherche piloté par accélérateur Myrrha (Multipurpose Hybrid Research Reactor for High-technology Applications) sur le site du centre de recherche de Mol.
Source: SCK•CEN

Le réacteur de recherche BR2 du SCK•CEN revêt une importance médicale cruciale grâce à sa production de molybdène 99 (Mo-99). Le Mo-99 est le radio-isotope indispensable à l’obtention du technétium 99m (Tc 99-m), son isotope fille, essentiel en médecine nucléaire. Le BR2 est l’un des cinq réacteurs de recherche du monde qui produisent la plus grande partie du Mo-99 nécessaire à l’échelle mondiale. En 2013, le BR2 aura atteint son demi-siècle d’exploitation. De quoi sera fait son avenir?
Eric van Walle: le réacteur de recherche BR2 répond aux normes de sûreté et d’exploitation les plus rigoureuses à l’heure actuelle, ce qui se traduit par sa fiabilité extraordinaire. La machine sera prochainement mise à niveau, en conformité avec les mesures d’amélioration constante prises antérieurement suivant les normes les plus sévères. La modernisation fait partie des efforts que nous déployons en prévision de la prochaine période d’exploitation 2016 – 2026, laquelle doit faire l’objet d’une licence.

Des arrêts temporaires pour des travaux de réparation imprévus ou des opérations de maintenance de quelques réacteurs d’importance majeure ont démontré la nécessité de maintenir une production fiable de radio-isotopes. Comment le SCK•CEN a-t-il réagi à la pénurie d’approvisionnement?
Pour remédier le mieux possible à cette pénurie, le SCK•CEN a augmenté de 50% la capacité de production du BR2, de même que le nombre de jours d’exploitation. Nous nous limitons cependant à 150 jours d’exploitation par an afin de disposer de suffisamment de temps pour procéder aux travaux de maintenance et aux contrôles de sécurité.

Que faut-il faire selon vous pour assurer à long terme la sécurité de l’approvisionnement en radio-isotopes, en Europe et dans le monde?
Il faut un réseau approprié et bien coordonné de réacteurs fiables, efficaces et performants, pour assurer une couverture équilibrée des besoins. Les cycles de production doivent avoir en réserve des capacités d’exploitation suffisantes pour pouvoir intervenir en cas d’imprévus. C’est la seule façon d’assurer en tout temps la disponibilité immédiate de ces isotopes à vie courte.

Selon l’Agence pour l’énergie nucléaire (AEN) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les principaux fournisseurs de radio-isotopes ont tous confirmé que pour des motifs de non-prolifération, ils convertiraient les cibles d’uranium hautement enrichi (UHE) en cibles d’uranium faiblement enrichi (UFE) pour produire les isotopes. Qu’en est-il de la Belgique dans ce processus?
Le SCK•CEN participe à un certain nombre de projets R&D et programmes de qualification pour le développement de cibles UFE. Nous nous attendons à disposer en 2015 d’une cible UFE certifiée et optimiserons ce type de cibles dans la pratique à long terme.

Quels sont les effets, en termes de production, de l’utilisation de cibles UFE en lieu et place de cibles UHE?
L’utilisation de cibles UFE réduit le rendement puisqu’il faut irradier et travailler un plus grand nombre de cibles pour obtenir la même quantité d’isotopes radioactifs. D’où une augmentation des coûts de production proprement dits, du fait notamment de la plus forte radiotoxicité des déchets produits en aval de ces cibles.

Vos collègues des Pays-Bas testent actuellement des cibles UFE sur le réacteur à haut flux HFR du JRC (Centre Commun de Recherche) de la Commission européenne, à Petten. Selon un communiqué de presse daté d’août 2012, le Nuclear Research and Consultancy Group BV (NRG) escompte adopter des cibles UFE d’ici la fin de 2015. Quel est le calendrier en Belgique?
La Belgique introduira, elle aussi, les cibles UFE à grande échelle en 2015. Le SCK•CEN participe au processus de développement et de certification des cibles UFE du NRG néerlandais. Ces cibles sont irradiées dans le BR2 belge. Des projets similaires sont en cours en Belgique, notamment à l’Institut national des radioéléments (IRE).

L’AEN se penche aussi sur la question de savoir si la production d’isotopes à partir de cibles UFE reste économiquement rentable. Qu’en pense le SCK•CEN en tant que fournisseur concerné?
La cible UFE ne constitue pas un facteur décisif dans le processus de production de radio-isotopes et ne représente donc pas, en tant que telle, une composante économique décisive de la chaîne de fabrication.

Le SCK•CEN travaille également au réacteur de recherche Myrrha, piloté par accélérateur de particules. Quelle est la finalité principale de ce nouveau type de réacteur?
Comme le BR2, Myrrha (Multipurpose Hybrid Research Reactor for High-technology Applications) est un réacteur de recherche pluridisciplinaire. Son utilisation comprend la recherche sur la transmutation, la recherche en matière de fission nucléaire et de matériaux de fusion et la recherche nucléaire fondamentale. Il servira par ailleurs à la fabrication d’isotopes radioactifs et de silicium dopé.

Quand pensez-vous qu’il pourra être mis en exploitation?
La mise en service complète de Myrrha est prévue en 2024. Elle sera précédée d’une période de mise en train entre 2022 et 2024.

Quels sont les défis que le projet Myrrha doit encore relever avant sa mise en service?
Il faut avant tout créer un consortium adéquat pour le financement et la direction du projet. Plus tard, la construction et l’homologation du réacteur dans le cadre du budget et des temps impartis seront déterminantes. Le remplacement de la matrice du BR2, la licence d’exploitation pour les années 2016 - 2026 et la poursuite du développement des applications médicales dans un environnement nucléaire comptent parmi les autres points importants du programme du SCK•CEN.

Professeur Eric van Walle

C’est en 1985 que le professeur Eric van Walle a obtenu son doctorat en physique nucléaire à la Katholieke Universiteit Leuven, en Belgique. Ayant rejoint le SCK•CEN dès 1989, il a repris la direction du département Reactor Materials Research en 1998. Depuis 2001, il occupe un poste de professeur à temps partiel à la Faculté des sciences appliquées de la Katholieke Universiteit Leuven et enseigne aussi au sein du Belgian Nuclear Higher Education Network. Il est directeur général du SCK•CEN depuis 2006.

Source

L'interview a été menée par Max Brugger (P.V.)

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