Conseil fédéral favorable à de nouvelles centrales nucléaires
Face au déficit d’approvisionnement en électricité qui menace à partir de 2020, il est nécessaire de remplacer les centrales nucléaires existantes, resp. d’en construire de nouvelles. C’est ce qu’a exposé le Conseil fédéral le 21 février 2007 dans le cadre de sa «réorientation» de la politique énergétique suisse.
Suite à l'adoption des principes fondamentaux d'une «nouvelle politique énergétique», l'énergie nucléaire ne constitue plus qu'une simple option pour le Conseil fédéral. Le gouvernement est bien davantage «persuadé de la nécessité de nouvelles centrales nucléaires», comme l'a confirmé le même jour le conseiller fédéral Moritz Leuenberger lors d'une conférence de presse à Berne. En vue de requêtes éventuelles de l'industrie électrique, le Conseil fédéral entend donc examiner si les procédures d'autorisation peuvent être raccourcies dans le cadre des bases légales en vigueur. Moritz Leuenberger a chiffré à 18 ans le temps nécessaire entre la présentation d'une demande d'autorisation générale d'une centrale nucléaire et sa mise en service, «sans grand espoir qu'une accélération notable soit possible». Le ministre de l'énergie considère comme «exclue» la mise en service d'une nouvelle centrale nucléaire d'ici 2020.
C'est à une autre conclusion que parvient Bruno Pellaud, président du Forum nucléaire suisse, dans une évaluation détaillée: il estime en effet que sur la base de la loi en vigueur sur l'énergie nucléaire, une nouvelle centrale pourrait être construite en douze ans à peine, votation populaire éventuelle comprise. Selon Bruno Pellaud, le laps de temps nécessaire dépendra de la rapidité des travaux des autorités politiques et administratives.
Propositions de plans d'actions d'ici fin 2007
La réorientation de la politique énergétique du Conseil fédéral repose essentiellement sur trois piliers: l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables et les grandes centrales électriques. Comme l'a annoncé Moritz Leuenberger, le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) élaborera d'ici fin 2007 des plans d'action incluant les mesures nécessaires pour augmenter l'efficacité énergétique et promouvoir les énergies renouvelables.
Les principes fondamentaux de politique énergétique arrêtés par le Conseil fédéral portent sur toutes les applications énergétiques, depuis le marché de la chaleur et les carburants jusqu'au marché de l'électricité. En prévision de sa décision, le Conseil fédéral avait fait élaborer les «Perspectives énergétiques 2035», étude qui, sur des bases scientifiques solides, montre les options possibles de politique énergétique de la Suisse.
«Solde de déficit d'électricité» à partir de 2020
En ce qui concerne l'électricité, qui représente un quart environ de la consommation totale d'énergie de la Suisse, «des problèmes d'approvisionnement sont attendus en raison de l'expiration imminente des contrats d'importation à long terme et de la durée d'exploitation limitée des centrales nucléaires existantes», admet le Conseil fédéral. Malgré le développement «modéré» visé de la force hydraulique, et malgré l'encouragement des nouvelles énergies renouvelables, l'approvisionnement électrique présentera à partir de 2020 un «solde de déficit».
Selon Moritz Leuenberger, la solution de l'importation ne constitue pas une option, les pays voisins se trouvant confrontés aux mêmes problèmes d'approvisionnement que la Suisse. Le conseiller fédéral a qualifié la production d'électricité solaire de «non compétitive», et celle qui se fonde sur la géothermie profonde de technologie «non parvenue à maturité». Il va par contre faire élaborer une étude pour examiner si l'importation d'électricité éolienne sur de grandes distances est possible et judicieuse.
Centrales combinées à gaz comme solution transitoire
Selon le point de vue du Conseil fédéral, il faudra construire dans les années à venir des centrales à gaz à cycle combiné (CCC) comme «stratégie transitoire». Concernant la question du CO2, le gouvernement a arrêté sa position en perspective des débats en cours au Parlement: les CCC devraient être soumises à la taxe sur le CO2. Pour autant qu'elles compensent 100% de leurs émissions, les CCC pourront toutefois être libérées de cette taxe en signant des conventions d'objectifs avec la Confédération. Les certificats à l'étranger pourront être imputés «dans la mesure où la compétitivité de la production indigène d'électricité par des CCC ne sera pas restreinte par rapport à l'étranger», écrit à ce sujet le Detec. Selon Moritz Leuenberger, ceci signifie qu'une «majeure partie» des certificats pourra être achetée à l'étranger. Si tel n'était pas le cas, les CCC seraient construites de l'autre côté de la frontière suisse, où il arrive même qu'elles soient encouragées pour remplacer des centrales au charbon parce qu'elles produisent moins de gaz à effet de serre.
Les prises de position des partis
Dans leurs premières prises de position, le PRD et l'UDC se sont félicités des orientations de politique énergétique adoptées par le Conseil fédéral. Tandis que l'UDC accepte les CCC comme «solution pour combler à court terme le déficit» et, comme le PDR, encourage la construction rapide de nouvelles centrales nucléaires, le PRD a souligné qu'il lutterait contre de grandes centrales à gaz. De son côté, le PDC entend seulement «remplacer les centrales nucléaires existantes par de nouvelles installations, ou de les moderniser». Le PS rejette «fondamentalement» la construction de nouvelles centrales nucléaires, de même que le parti des Verts, qui qualifie par ailleurs de «grotesque» la compensation à l'étranger des émissions des CCC.
Le Conseil fédéral est également critiqué par l'association économique faîtière economiesuisse qui estime que le gouvernement national méconnaît la dimension et les risques du déficit d'électricité à venir en évoquant seulement un «solde» de déficit. Il s'agit tout de même de remplacer ou de construire deux à trois centrales nucléaires, rappelle economiesuisse. Dès le début de février 2007, l'Union suisse des arts et métiers avait qualifié l'énergie nucléaire «d'obligation absolue» pour l'avenir.
Source
M.S./C.P. d’après la conférence de presse du Conseil fédéral ainsi que des communiqués de presse des 21 et 24 février 2007 des partis et d’economiesuisse, et un communiqué de presse du 9 février 2007 de l’USAM
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