Le nucléaire? Un réflexe plutôt qu’une réflexion

À peine le mot «nucléaire» est-il prononcé dans les débats de politique énergétique que certains reprennent déjà les vieux programmes. Et les mauvais réflexes reviennent au galop: agitation, mises en garde, scénarios de fin du monde. Cela fait longtemps qu’il n’est plus question de protection du climat ni de tournant énergétique, mais d’empêcher la concurrence technologique. Et plutôt que d’être perçues comme un moyen de parvenir à un avenir énergétique propre et sûr, les énergies renouvelables pourraient devenir une fin en soi.

20 oct. 2025
Le Palais fédéral
Le Palais fédéral à pied d’œuvre pour l’avenir énergétique de la Suisse – nucléaire, solaire, éolien et hydraulique sur un pied d’égalité pour garantir un approvisionnement électrique respectueux du climat et ouvert à l’ensemble des technologies.
Source: Forum nucléaire suisse (image générée par l’IA)

Le Conseil fédéral a proposé de lever l’interdiction de construire de nouvelles centrales nucléaires. Il n’a pas proposé de construire, demain, un nouveau réacteur, mais de laisser la porte ouverte à cette possibilité pour le cas où la Suisse déciderait un jour de recourir à nouveau à la technologie. Un pas vers une plus grande ouverture technologique, mais aussi et surtout vers la raison.

Mais cette seule porte ouverte a suffi à déclencher de vieux réflexes chez de nombreuses personnes. Ainsi, le président des Vert’libéraux, Jürg Grossen, est allé jusqu’à affirmer dans une vidéo LinkedIn (en allemand) que le Conseil fédéral entendait construire, aujourd’hui, de nouvelles centrales nucléaires, et faire marche arrière sur les renouvelables. Du point de vue du président de Swissolar et co-propriétaire d'une entreprise photovoltaïque, cette décision mettrait en péril le tournant énergétique et serait même en partie responsable du recul des nouvelles installations solaires privées (en allemand).

Les deux affirmations sont fausses. Le Conseil fédéral souhaite seulement rendre possible la construction de nouvelles centrales nucléaires. En novembre 2024 déjà, l’association de M. Grossen, Swissolar, avait formulé ses prévisions en matière de nouvelles installations photovoltaïques dans le «Baromètre du marché solaire suisse 2024»: «Jusqu’à ce que les dernières incertitudes en rapport avec l’introduction de la nouvelle loi sur l’électricité soient éliminées, Swissolar prévoit un léger recul de la puissance nouvellement installée pour les années 2025 et 2026.» À aucun moment les centrales nucléaires ne sont citées comme une raison à cette évolution. De son côté, le dirigeant de l’institut de recherche Sotomo, Michael Hermann, a déclaré récemment lors d’un événement organisé par Axpo (en allemand) que le développement chancelant des installations photovoltaïques privées n’était pas lié aux débats sur les centrales nucléaires. Selon lui, la plupart des « pionniers convaincus » auraient entre-temps fait installer leur propre installation photovoltaïque. Il ne serait pas facile, désormais, de convaincre les autres des avantages du photovoltaïque.

Sonnette d’alarme
Un vieux réflexe: le mot «nucléaire» tire la sonnette d’alarme – même sans raison fondée.
Source: Forum nucléaire suisse (image générée par l’IA)

Autre exemple: celui de la conseillère nationale Priska Wismer-Felder (le Centre), qui voit dans la proposition du Conseil fédéral une menace pour la sécurité d’approvisionnement de la Suisse (en allemand). Or il faut le savoir: En sa qualité de vice-présidente de l'association de branche «Suisse Eole», Mme Wismer-Felder s’engage depuis des années pour le développement de l’énergie éolienne. Et à titre privé, elle et son mari prévoient de faire construire trois éoliennes sur le Stierenberg (en allemand), dans le canton de Lucerne.

Le tournant énergétique … oui mais sans aucun autre joueur

La Société Suisse pour l’Énergie Solaire (SSES) nous fournit un autre exemple particulièrement éloquent: Plutôt que de se concentrer sur sa mission propre, à savoir promouvoir l’énergie solaire, elle a publié une prise de position contre l'énergie nucléaire (en allemand) de sept pages (qu’elle se plaît à qualifier de «Feuille d’information»). On peut y lire notamment: «C'est sous le prétexte de la neutralité technologique que le Conseil fédéral lance la bataille contre les énergies renouvelables.» Difficile de faire plus réducteur. Et pourquoi une association solaire consacre-t-elle du temps et de l'énergie à lutter contre une autre technologie pauvre en CO₂ au lieu de promouvoir la sienne?

Sans surprise, et cela en dit long, les Verts ont, de leur côté, indiqué dans le cadre de la consultation sur le contre-projet (en allemand): «L’énergie de ruban, non flexible, peut conduire à une mise en concurrence avec le courant solaire, et ainsi à des incitations inopportunes.» En d'autres termes: L’énergie nucléaire ne doit pas être autorisée car elle pourrait entrer en concurrence avec le courant solaire et éolien.

Nous voici donc au véritable cœur du problème: il n’est pas question ici d’objectifs climatiques, mais très clairement d’objectifs technologiques. Rares sont ceux qui remettent en question l'importance des énergies renouvelables. Toutefois, ces dernières ne doivent pas devenir une fin en soi, mais faire office d’instruments rendant possible un approvisionnement stable et neutre pour le climat. Considérer le solaire et l’éolien comme des technologies de monopole idéologique va à l’encontre de l’esprit du tournant énergétique: celui-ci a pour vocation de protéger le climat, et non de fermer le marché. La levée de l’interdiction de construire de nouveaux réacteurs ne représente pas une décision de construire mais simplement un retour au rationalisme. Personne ne prévoit de construire demain une nouvelle centrale, mais les générations futures devront avoir la possibilité de décider elles-mêmes de leur approvisionnement énergétique. Dans un contexte d'augmentation de la demande en électricité, de dépendance croissante aux importations et d’objectifs climatiques ambitieux, il serait insensé d’interdire cette possibilité pour des raisons idéologiques.

Conclusion: on ne produit pas d'électricité avec des réflexes

L'avenir énergétique requiert un esprit de coopération et non de compétitivité. L’énergie nucléaire et les énergies renouvelables ne sont pas adversaires mais partenaires dans un approvisionnement sûr et neutre pour le climat. Ceux qui, à l’écoute du mot «nucléaire», appuient encore sur le bouton qui lance les vieux programmes ne prennent pas position, ils restent figés dans la routine. De même que ceux qui réclament la protection du climat et la sécurité d'approvisionnement devraient participer à tracer la voie pour y parvenir, même si celle-ci ne correspond pas à leur propre modèle économique. On ne produit pas d'électricité avec de vieux réflexes, mais avec la raison.

Auteur

Stefan Diepenbrock
Chef de la communication, Forum nucléaire suisse

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